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Carole Hardouin-Le Goff, maîtresse de conférences en droit privé et en sciences criminelles à l’université Paris-II-Panthéon-Assas et directrice des études de l’Institut de criminologie et de droit pénal de Paris, est l’autrice de L’Oubli de l’infraction (LGDJ, 2008).
Aujourd’hui, la loi définit le viol comme un acte de pénétration sexuelle ou un acte bucco-génital commis avec « menace, contrainte, violence ou surprise ». Or certains viols ne relèvent pas de ces quatre situations : c’est le cas des femmes en état de sidération qui se « laissent faire » par leurs violeurs – une réaction neuropsychique qui est aujourd’hui documentée. Parce que les victimes sont inertes, leurs agresseurs n’ont pas besoin de recourir à la coercition – et, en l’absence de contrainte, il n’est pas facile de prononcer des condamnations. Ces femmes sidérées ne sont pas pour autant consentantes.
Quand une hypothèse aussi dramatique n’est pas couverte par la loi, il faut cesser de se reposer sur le juge et sur son pouvoir d’interprétation pour combler le vide, et ne pas hésiter à changer la loi. Pour garantir le libre accord des deux partenaires à une relation sexuelle, il convient donc, selon moi, de définir le viol, non plus comme un acte imposé par la menace, la contrainte, la violence ou la surprise, mais explicitement comme un acte non consenti. C’est d’ailleurs ce que préconisent la convention d’Istanbul, ratifiée par la France en 2014, et la première version de la proposition de directive sur les violences faites aux femmes de la Commission européenne de mars 2022.
En proclamant qu’il faut, pour caractériser un viol, que l’agresseur ait utilisé la menace, la violence, la contrainte ou la surprise, le code pénal postule l’existence d’une « présomption de consentement » de la part des victimes. De nos jours, surtout après les mouvements #metoo et #balancetonporc, une telle présomption paraît archaïque.
Si la loi pénale a une vertu répressive, elle a aussi une vertu pédagogique : en fondant le viol non plus sur l’usage de la contrainte mais sur le défaut de consentement, le code pénal proclamerait sans ambiguïté que toute relation sexuelle requiert l’accord libre et éclairé des deux partenaires.
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